Celine Elias à l'écrit

Celine Elias à l'écrit

Presque ( je communique !)

Vous n'avez jamais remarqué que nous utilisions souvent certains mots par habitude pour les tics de langage, par mimétisme pour les mots à la mode, et par paresse quand on n'a pas le temps ni l'envie d'en chercher un ou des synonymes ?

Pourtant, ces mots traduisent nos quotidiens. Ils disent mieux que nous où nous en sommes par rapport à ce qui nous entoure.

Je m'amuse régulièrement à écouter les autres parler. Rien de plus « parlant » que l'expression d'un seul devant un groupe. Les réunions sont en cela très révélatrices. Petit essai sur l'art de communiquer :

D'abord il y a les guindés, les prétentieux du verbe. On les reconnait à leur langage recherché. Ils usent et abusent de mots dont ils ignorent parfois la réelle signification mais qui font bien dans les conversations et les discours. Ils perdent d'ailleurs leur auditoire durant les 5 premières minutes de leur allocution. On peut alors observer que l'orateur n'en a cure et qu'il continue à fleurir ses dires de mots savants placés dans des phrases sans sens profond. La profondeur des discours est affaire de philosophes, pas d'orateurs sûrs d'eux qui ne viennent que pour en mettre plein la vue à tout le monde. Et tout le monde en a tellement plein la vue que les nez se penchent de plus en plus sur les feuillets devant eux, les yeux se promènent dans la contemplation d'un spot, d'une table, d'une bouteille d'eau ou d'une tasse de café, les pensées se perdent loin du discours et les oreilles n'entendent plus que le bruit feutré d'une voix atone qui, parce qu'elle est trop imbue de son discours - et de sa personne - ne fait rien pour retenir l'attention d'un auditoire qu'elle croit acquis à ce qu'elle est.

 

Puis il y a les intelligents. Ils alternent savamment les phrases longues, construites avec des mots compliqués et des idées qui le sont tout autant, et les phrases courtes, faites de formules choc destinées à réveiller les auditeurs par des mots simples. Les plus zélés d'entre eux utilisent même des anglicismes afin de paraître plus en avance que les autres.

Ils sont souvent agréables à écouter s'ils savent aussi donner des intonations variables à leurs voix. Je me souviens d'un professeur, à la faculté de Droit de Bordeaux, qui enseignait une matière pourtant passionnante. Mais sa voix était si dénuée de variations qu'elle avait le même effet qu'un somnifère. Il faut vivre les mots que l'on prononce, sinon pour soi, au moins pour ceux qui ont la gentillesse et la politesse de venir nous écouter. Pas la peine d'avoir suivi un cursus en communication pour comprendre cela. Il suffit d'écouter, d'observer et d'allumer la télévision.

 

Ensuite viennent les expéditifs, les toujours pressés. Ils ne sont pas mal à l'aise quand il s'agit de s'exprimer en public mais ils n'aiment pas cela. Ils préfèrent souvent l'expression par les actes et réduisent leurs discours au minimum quasi syndical. On sait qu'on a à faire à un expéditif quand une allocution dure moins de 2 minutes, montre en main et que l'essentiel y est dit. Le discours y est dynamique, la voix impatiente, limite agressive. Ils provoquent des réactions dans l'auditoire mais n'en ont que faire car leur objectif est déjà ailleurs. Pour eux, communiquer est souvent une perte de temps.

Cependant, l'expérience a maintes fois démontré que ne pas savoir communiquer pouvait ruiner des carrières ou des ambitions de carrières. Il faut savoir expliquer au plus grand nombre ce que l'on pense, ce que l'on veut, s'en faire comprendre et s'en faire aimer si besoin.

 

Enfin, il y a les « euh ». Parmi eux se trouvent les timides, les indécis, ceux qui viennent parler parce que personne ne peut le faire à leur place et qui ne savent jamais quoi dire, comment se tenir, comment convaincre. Il faut dire qu'avant de convaincre les autres, il faut déjà être soi-même convaincu. Et c'est bien là tout le problème.

Un politicien dont je tairais le nom émaille chacune de ses allocutions de « euh » tous les 4 ou 5 mots. C'est un calvaire à écouter !!! Il semble sans cesse chercher ses mots, comme s'il ne savait pas exactement ce qu'il voulait dire. Pour un politicien, c'est grave. Je l'ai écouté dans des discours locaux, plus centrés sur des questions précises et auxquelles il aurait du pouvoir répondre du tac au tac ; je l'ai également écouté dans des discours politiques et face à des journalistes. Si on enlevait tous les « euh » de ses allocutions, son temps de parole serait réduit aux trois quart ! Du coup, on perd le fil de ses idées car les « euh » ralentissent considérablement le sens des choses. Même si l'on peut partir du principe que ces arrêts dans le débit permettent aux auditeurs de mieux assimiler les propos précédents avant d'enchaîner sur les suivants. Mauvais prétexte. Le « euh » traduit l'hésitation, l'incertitude et le manque évident de conviction, voire de passion.

 

Et pourtant…pourtant, un bon orateur doit pouvoir réunir les qualités et les défauts des catégories sus-nommées. Il doit pouvoir assommer son auditoire avec des mots savants et des phrases longues quand il veut être certain que personne ne le comprendra car il ne veut pas être compris sur le point précis dont il est question. Mais il doit ensuite très vite passer en mode dynamique par une phrase choc, avec des mots percutants. Il doit enfin aller très vite à l'essentiel sous peine d'être plus tard accusé d'avoir voulu endormir les autres dans un discours volontairement trop global et pas assez précis. Et, il lui faut savoir placer, de façon harmonieuse et calculée, quelques « euh » lors d'explications plus complexes nécessitant l'absolue concentration de tous.

La communication n'est pas seulement le fait de parler mais de savoir le faire de manière opportune.

 

Je pourrais aussi longuement discourir par écrit sur la communication non verbale et qui a également énormément d'importance. Mais ce serait trop long pour aujourd'hui car le sujet de mon thème du jour porte sur les mots, non sur la communication dans sa globalité.

Aussi, pour revenir au sujet initial, quand je parlais des mots qui trahissaient notre quotidien, j'entendais que selon nos humeurs nous favorisions souvent l'usage de certains vocables par rapport à d'autres.

 

Par exemple, en ce moment, je fais régulièrement référence à des adverbes de temps. Vous qui me lisez le remarquerez aussi. Non que je sois obsédée par le temps qui passe (et encore moins par le temps qu'il fait !) mais savoir se placer dans l'espace et le temps est essentiel à mes yeux. On ne peut pas mélanger un présent, un passé simple et un futur dans une même phrase !!! Ne riez pas, certains auteurs débutants de fanfictions ( = épisodes de séries ou de films virtuels écrits par des fans) le font très fréquemment. C'est d'ailleurs là que j'ai appris que le passé simple du verbe rire à la 3ème personne du singulier était : ria. Je ne me moque pas mais cela me fait mal à mon français. Passons…

En tout cas, depuis quelques jours, je suis dans le presque. Quand on me demande si tout va bien, je réponds que ça va presque parfaitement bien. Tout est presque. Pourquoi ? Parce que je suis presque quelque chose, quelqu'un, que je vais presque faire quelque chose de ma vie, que j'ai presque l'âge limite pour le faire, que j'ai presque assez de temps devant moi pour me projeter longuement dans l'avenir. Allez savoir ! Je constate juste que j'utilise ce mot très régulièrement et que cela a probablement un sens. Presque c'est toucher du doigt un but et savoir qu'on ne l'a pas encore atteint. Dans presque, il y a la notion de temps et d'espace qui m'est si chère. Je ne mets jamais presque au temps passé. On ne rate jamais presque quelque chose. On le rate ou on le réussit. Le presque est au futur ou au présent, jamais au passé. C'est du moins ma vision du sens du mot.

J'ai presque fini. Vous voyez ? C'est bien un futur, non ? Même si j'ai écrit au passé composé !!! Ah les joies de la grammaire française…!

Et vous, vous en êtes où avec vos mots ?



17/03/2009
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