Celine Elias à l'écrit

Celine Elias à l'écrit

Mea culpa vida

Leçon de vie - ou d'absence de vie, c'est selon - en ce jour.

 

Cela faisait longtemps que je voulais parler clairement d'un sujet qui nous concerne quasiment tous, directement ou pas. Je voulais parler de nos addictions primaires, addictions qui ruinent notre santé et parfois, hélas, la vie de ceux qui nous approchent.

 

Je voulais parler des mensonges de la vie quand on se croit plus fort que tout le monde et qu'on refuse d'admettre que pour supporter la vie, on fait appel à des artifices. On sombre en âme et conscience vers tout ce qui pourrait nous faire oublier qui nous sommes. On plonge sans même s'en apercevoir dans un monde réel certes, la plupart du temps, mais qui nous fait tellement mal qu'on veut l'oublier dans des paradis artificiels.

 

Certains choisissent la drogue.

A 15 ans, j'ai choisi l'alcool car c'était le seul placebo à ma portée. Je venais de perdre mon premier grand amour dans un accident de voiture causé par un mec îvre. Je ne sais pas si c'était voulu ou pas de ma part mais quand j'ai appris cela, j'ai vidé le bar de ma grand-mère.  Pour moi, c'était la seule solution pour éviter d'avoir mal ou pour aller au plus profond de mon mal. Je croyais noyer la douleur dans le coton quand je n'ai fait que me noyer dans un bain chaud devenu tiède puis froid. Je n'ai pas vraiment réalisé, en y repensant. Cétait en avril 1982. Je n'ai plus jamais lâché l'alcool depuis. Enfin, jusqu'à l'an dernier quand je me suis aperçue que je prenais ma vie du mauvais côté et qu'au lieu de me battre, je m'enfonçais. Vous savez, j'ai toujours le réflexe primaire, quand j'ai peur ou que je suis lasse, d'aller me prendre un verre. Je le fais parfois. Mais un verre, deux peut-être, jamais plus. Je contrôle.

 

Je ne suis pas une alcoolique classique dans le sens où je peux rester sans boire pendant plusieurs mois sans en ressentir de manque. Je suis une alcoolique latente toutefois car je sais que dans les coups durs, mon premier réflexe ira là.  Je fais tout pour me contrôler. Et si j'en parle aujourd'hui c'est parce que je ne veux pas que mon problème d'addiction - même latente - soit tabou. Je me suis trop lontemps tue par honte de moi-même. J'avais honte et peur des mots. Je craignais qu'on m'enferme ou qu'on m'oblige à aller cotoyer de vrais alcooliques. J'y suis allée une fois. Je suis même allée voir un psy !!!

Il y a cette dualité en moi qui se partage entre force et renoncement. Mon renoncement, je le signe par mon refus d'arrêter de fumer. Ma force est d'être encore debout malgré tout. Je me demande souvent pourquoi j'ai continué à vivre ou à survivre. Car enfin, dans mon cas, mes 11 dernières années relèvent davantage de la survie que de la vie même quand j'ai bien vécu. J'ai eu des périodes fastes où j'ai apprécié chaque petit bonheur au jour le jour. Cependant, on sait tous qu'un petit bonheur appelle toujours un voeu de plus grand bonheur et tout s'enchaîne.

Alors on fait semblant que tout va bien, tout en sachant au fond de soi que quelque chose déconne. On met le doigt dessus. Et on refuse de faire ce qu'il faut pour changer cela. Par habitude, par manque de perspectives, par honte. On se dit que non, on ne peut pas être comme les autres, qu'on est en vie et qu'on ne souffre d'aucun problème addictif. C'est des conneries tout ça.

Je me suis réveillée un jour en sachant très exactement ce qu'il me manquait et pourquoi j'avais de très mauvaises habitudes addictives. Je ne l'ai pas reconnu publiquement de suite. Il me fallait attendre d'avoir fait la part de toutes choses pour en parler. Ce que je fais aujourd'hui et que j'ai commencé à faire récemment auprès de ma famille et de mes proches amis. Je ne veux plus jamais mentir sur ce que je suis.

Je suis une faible forte. Ou une forte faible. Au choix. J'ai fait le choix de parler de mon addiction à l'alcool quand je déraille ou que la vie me met des bâtons dans les roues, comme en ce moment...mais c'est justement en ce moment que je lutte contre mon envie d'aller m'acheter une bouteille de bon whisky.

 

Je vais vous dire un secret : je ne suis pas une bonne alcoolique. Je ne tiens pas l'alcool. Deux verres ou trois et je pars en vrille. Jamais bien d'ailleurs. En général, je finis en pleurs. Cela fait très très longtemps que je ne suis pas allée jusques-là.

Quand je dis que je me contrôle, cela signifie que je refuse de boire plus que de raison. Je refuse de boire tous les jours. Je refuse d'être malade. J'écoute mon coeur. Je sais ce qu'il me dit aussi. Mes triglycérides sont, par nature, trop élevées. Ma mère avait le même souci alors qu'elle ne buvait pas et ne fumait pas non plus. Mes oncles itou. Imaginez l'effet de l'alcool sur le sang trop épais au départ ? Cela n'aide pas vraiment à le rendre plus fluide, croyez-moi !!! Un médecin, en 2004, m'avait dit que je mangeais trop riche et trop gras car mes triglycérides étaient celles d'une personne obèse. Je ne lui ai jamais dit que l'alcool en était la cause. Je pense qu'il s'en doutait.

 

Tout est parti de la mort de Denis. Je n'ai pas su assumer ça. Elle venait après la mort de mon grand-père et celle d'un copain de collège (Franck) peu avant. La mort, à 15 ans, c'est quelque chose qui nous échappe totalement. Alors, j'ai voulu mourir.

L'alcool, le mûr que je faisais tous les soirs du printemps 1982 pour retrouver des pseudos-copains qui me fournissaient de quoi boire et encore espérer, la haine envers tout ceux qui ne voulaient pas comprendre mon désarroi, mes parents qui laissaient faire car ils étaient désarmés et que je ne leur parlais pas, tout ça fit que je commençais lentement et sûrement à prendre pieds dans une vie parallèle où l'alcool me servait de force. J'ai voulu mourir en juin 1982. Quand j'ai vu le camion, j'ai reculé et me suis effacée. Je suis rentrée chez moi et ai bousillé ma main droite sur une armoire en chène massif ! Depuis, je n'ai jamais plus voulu me suicider. Quoique...

 

Il y a ceux qui décident d'en finir une fois pour toutes et qui ont à la fois le courage et la lâcheté de commettre le geste final. Je pense à mon cousin Gérard qui, en 2004 a fini sous un train à Melun. Je n'ai jamais eu ni l'un ni l'autre. J'ai laissé faire tout en faisant le maximum pour me bousiller la vie. J'avais à la fois envie de me battre et envie de laisser tomber en remettant ma petite vie insipide entre les mains du sort.

 

Aujourd'hui que j'ai atteint un certain âge et l'assurance que la vie dont je rêvais étant enfant ne serait jamais ma vie, je me tourne vers tout ce que j'ai pu râter. Je ne suis pas responsable de tout, bien sûr, car les garçons que j'ai pu aimer après Denis ne sont pas morts (sauf Laurent) à cause de moi. J'ai longtemps cru que je portais la poisse. Ca me confortait dans ma solitude et dans mes convictions que ma vie n'était pas faite pour être vécue puisque je faisais même mourir les gens que j'aimais. Cétait faux. Naturellement.

J'ai même récemment pensé - très brièvement - que mon temps de vie était calqué sur celui de ma mère et je me suis fait très peur.

 

La vérité c'est que je ne veux pas mourir. Enfin, pas maintenant. Ni dans 10 ans. Le plus tard possible serait le mieux.

La vérité c'est que j'ai conscience d'être tellement passée à côté de ma vie qu'à bientôt 43 ans, je me dis qu'il n'est peut-être pas trop tard pour en faire quelque chose de bien.

La vérité c'est que j'aime la vie. La mienne, avec toutes mes emmerdes. J'aime même la mort des autres car sans elle, jamais je ne me sentirais si vivante. C'est affreux ce que je dis là...je sais. J'ai une peur viscérale de ma propre fin. N'étant pas croyante, j'imagine que ma mort signifiera la mort de tout ce que je fus. Si je devais mourir demain, à part des regrets et la douleur de mes proches parce qu'ils savent depuis bien avant moi ce que je suis et ce que je vaux, je ne laisserai rien. Ce sera sans doute encore le cas dans 40 ans (oui, c'est mon petit côté optimiste qui parle) sauf que d'ici là, j'espère avoir fait quelque chose de mieux qu'écrire en vain. J'espère avoir pu compenser mes années d'absence.

 

La vérité c'est que les addictions ne sont pas toutes visibles et conscientes. Il y en a de plus vicieuses, les latentes, celles qui ressurgissent quand on voudrait les avoir oubliées.

J'aimerais par ce mot alerter tous ceux et toutes celles qui ne pensent jamais qu'un verre pris seul chez soi le soir n'en appelle jamais d'autres. A ceux et celles qui ont besoin d'artifices pour tenir bon car ils ne savent pas parler de leur désarroi.

 

Je ne sais pas s'il faut plus de courage pour avouer nos défauts dépendants ou pour les cacher pendant toute une vie.

 

J'ai choisi d'en parler. Cela s'appelle peut-être avouer et admettre que nul n'est plus fort que les autres. On a tous des faiblesses, finalement. On les exprime tous différemment. J'ai opté pour ce blog après en avoir longuement parlé avec mes proches. Je tiens vraiment à ce que ce que je viens de dire puisse aider d'autres personnes atteintes d'autres addictions. Je ne sais pas si j'y serai parvenue. Qu'importe. Je suis persuadée que parler reste la solution.

 

Je vous écoute....



27/09/2009
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