Mal du pays
MAL DU PAYS
« Tu m’as nourrie longtemps du lait de ta mamelle »
De mon enfance à mes années rebelles
J’ai mangé dans ta main les fruits de ton Eden
Et cultivé pour toi la langue de Verlaine.
Je t’aurais aimée plus fidèle à ton Histoire
Quand on te fait mimer des cultures dérisoires
Car l’Oncle Sam de ton côté de l’Atlantique
C’est un clown de quartier qui rêve l’Amérique
J’ai rêvé comme lui du soleil de Floride
Et du rêve conquis ne reste qu’une plage vide.
Mal du pays
O, mère des arts
Je suis ici
Mais d’autre part
« Je remplis de ton nom les antres et les bois »
J’ai beau parler leur langue, je pense avec ta voix
Sur chacun de mes mots les tiens se superposent
Et quand je dis « something » c’est presque quelque chose.
Le walkman sur la tête me chante tes artistes
Boca-Raton s’endort et je me sens si triste
Je regarde au loin leur côté d’horizon
Et tout comme E.T., je téléphone maison
J’ai voulu l’Amérique comme une fuite en avant
Et les vœux exaucés ne laissent que du vent.
Mal du pays
O, mère des arts
Je suis ici
Mais d’autre part
Je ne voulais pas vivre en suivant d’autres agneaux
« Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau »
Mais je suis retranchée aux confins de l’exil
Gardant de mon pays une trace indélébile
Récitant Du Bellay sur cette plage de Floride
Je me sens devenir peu à peu apatride
Et si mes souvenirs sont à jamais Français
Qu’en sera-t-il demain ? Je crains de perdre pied.
L’agneau rebelle et seul s’est trompé de nouveau
France, mère des arts, tu me manques bien trop.
Boca-Raton, Floride (USA)
Céline ELIAS